Le 4 juillet 2018, le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a inscrit la Chaîne des Puys et la faille de la Limagne à sa liste. La faille, l'alignement des puys et le relief inversé de la Montagne de la Serre illustrent « de manière exceptionnelle » un phénomène de rift continental, un effondrement du terrain provoqué par l'extension de l'écorce terrestre. Pour de plus amples informations, la page de description de l'UNESCO est fort documentée.
Aujourd'hui, nous allons essayer de réaliser une impression en 3D du relief de ce morceau de patrimoine mondial.
Première étape, pour se mettre un peu en conditions : sélectionner la zone précise que l'on souhaite imprimer. Cette sélection doit s'exprimer sous une forme que nous pourrons exploiter, en clair, elle doit être numérique. Il existe plusieurs façons de représenter numériquement un tracé géographique. Un des plus simples est le format GPX, où l'on décrit une trace par une séquence de points. Chaque point est un couple (latitude, longitude).
La latitude est la coordonée géographique qui donne l'écart angulaire avec l'équateur. En France, nous sommes plutôt situés vers 45° Nord, à mi-chemin entre l'équateur (0°) et le pôle Nord (90° N). La longitude est la coordonée géographique qui donne l'écart angulaire avec le méridien de Greenwich. Ce méridien est une ligne imaginaire à la surface de la Terre, allant du Pôle Nord au Pôle Sud en passant par Greenwich, dans la banlieu de Londres. En France, nous sommes légèrement à droite (à l'est) de Greenwich, les longitudes sont donc généralement autour de 2° ou 3° Est.
À l'aide de l'outil en ligne GPS Visualizer, nous traçons le contour de la zone qui nous intéresse, en respectant les données présentées dans cette carte du dossier de l'UNESCO.
Toute la zone est donc comprise entre les points de coordonnées (45.6438081° N, 2.8257179° E) et (45.9093013° N, 3.1250954° E).
La seconde étape consiste à trouver les données d'altitude de la zone. On pourrait s'y prendre de pleins de façons, mais dans un soucis de simplicité, nous allons utiliser une approche très générale applicable à n'importe quelle zone géographique.
En février 2000, la navette spatiale américaine Endeavour a recueilli des données altimétrique de (presque) toute la surface terrestre. Pour cela, elle a utilisé un radar imageur. Cette technique consiste à émettre une onde en direction de la Terre pour qu'elle s'y réflechisse et retourne vers la sonde, où elle sera traitée et comparée avec l'onde émise. De cette comparaison, on calcule l'altitude du point visé par la sonde, par exemple en prenant en compte le temps qu'a pris cet aller-retour : plus ce temps est court, plus le point est haut. D'autres analyses plus fines viennent affiner ces mesures, pour finalement atteindre une précision de l'ordre de la trentaine de mètres !
Ces données portent le nom de Shuttle Radar Topography Mission (SRTM), et sont mises à la disposition du public. Par exemple, ce site propose une interface très simple, où l'on sélectionne les régions du monde qui nous intéressent parmi des tranches de 5° de latitude et longitude.
D'après les mesures faites lors de l'étape précédente, nous sommes bien dans la zone délimitées par les coins (45, 0) et (50, 5). Il ne reste plus qu'à télécharger !
Dans l'archive ainsi téléchargée, se trouve un fichier srtm_37_03.tif
de 68,7 Mo. Il s'agit de nos données, dans un format un peu spécial. Le TIFF est généralement un format de fichier utilisé pour les images. D'un point de vue numérique, une image est une matrice (un tableau) de pixels, chacun ayant une couleur. Ici, un pixel ne contient pas une couleur mais une altitude. Les coordonnées du pixel correspondent aux coordonnées géographiques (latitude et longitude) du point dont l'altitude est renseignée. Les images sont de bons moyens de stockage pour les grandeurs en deux dimensions. Ici, il s'agit d'un format dérivé, le GeoTIFF, qui contient en plus quelques informations dites de géoréférencement.
Pour pouvoir traiter ce fichier, nous utilisons le logiciel 3DEM.
Nous avons trois choses à faire avec ce logiciel. Premièrement, la carte que nous venons de télécharger est trop grande. Il nous faut la recadrer pour se restreindre à la Chaîne des puys et à la faille de la Limagne. Pour cela, nous utilisons l'outil « Select Smaller Aera », en renseignant les longitudes et latitudes des bordures, telles que nous les avons déterminées plus tôt.
Deuxième étape : remarquez comme la forme de notre sélection est aplatie par rapport à la carte du dossier de l'UNESCO. Nous aimerions que la forme soit plus allongée. Qu'est-ce qui cloche ?
Eh bien, il s'agit de l'utilisation de la latitude et de la longitude. Ces deux coordonnées sont dites sphériques. Elles sont utilisées pour décrire la position d'un point situé sur la surface d'une sphère. Mais lorsqu'on affiche la carte, on l'affiche sur une surface plane. En affichant « bêtement » une image sphérique sur une surface plane, cette dernière a l'air aplatie. C'est un problème très courant en cartographie : celui de la projection. Comme ce problème est très visuel, voici un extrait de l'émission C'est par sorcier sur la cartographie pour en parler (entre 9:00 et 10:22) :
Dans notre cas, nous allons utiliser la projection de Mercator, qui est la plus couramment utilisée dans le monde. Comme cela, nous serons certains que la carte que nous aurons produite ressemblera aux cartes que l'on a l'habitude de voir.
Et voilà le travail ! Dernière étape : afin de pouvoir traiter cette carte comme un objet en trois dimensions, nous allons avoir besoin d'un dernier logiciel, nommé AccuTrans3D. Pour pouvoir charger la carte que nous venons de modifier dans ce nouveau logiciel, nous devons l'enregistrer au format DEM (modèle numérique de terrain), un format de fichier spécialement utilisé pour représenter des reliefs.
Bien, nous approchons du but. Comme mentionné plus haut, nous chargeons cette fois-ci notre fichier dans le logiciel AccuTrans3D. Grâce à ce logiciel, nous allons pouvoir convertir notre relief en un objet 3D, qui sera prêt à être imprimé.
Voici donc notre relief. Première étape, nous le convertissons en un fichier 3D.
Là, nous rencontrons un petit problème d'ordre esthétique. Tel quel, le fichier est représentif de la réalité. Un mètre en horizontal vaut un mètre en vertical. Mais du coup, les sommets paraissent très petits par rapport à l'étendue de la surface. Regardons une vue de côté :
Le fichier à l'air presque plat. Pour que le rendu, une fois imprimé, soit plus intéressant à regarder, nous allons tricher un peu, en augmantant l'échelle verticale (uniquement). Après une multiplication par quatre des hauteurs, voici ce que ça donne :
La différence est nette. Le rendu sera plus contrasté. Dernière étape enfin, car le fichier n'est actuellement composé que d'une surface : nous devons remplir le dessous de l'objet.
Et voici ! Nous pouvons désormais l'enregistrer comme un fichier 3D tout ce qu'il y a de plus normal, au format STL. En l'ouvrant avec un visionneur d'objets 3D, nous le retournons et le mettons à l'échelle pour notre imprimante 3D. Voici le résultat :
Notre fichier 3D est prêt à être imprimé. Nous lançons donc l'impression à une échelle de 1:400000 (1 mm imprimé équivaut à 400 m dans la réalité). Nous en avons tout de même pour quatre bonnes heures ! Mais grâce à un précédent projet, nous pouvons suivre l'évolution de l'impression :
Et voici le résultat final (à venir admirer dans l'Atelier) :