Aujourd'hui, je vous recommande cette chaîne YouTube : Two Minutes Paper, tenue par Károly Zsolnai-Fehér, chercheur autrichien à l'université technique de Vienne. Le concept est simple. En une courte vidéo (généralement cinq ou six minutes), Károly présente le contenu d'un article de recherche récent. La chaîne est très productive, et couvre des sujets assez divers autour de l'informatique et de l'image (avec des exceptions bien sûr !). Le contenu est clair et orienté sur des démonstrations visuelles, très attrayant pour les amateurs de contenu scientifique.
Seul bémol : les vidéos ne sont disponibles qu'en anglais, ne sont que rarement sous-titrées en anglais, et encore plus rarement en français. L'expression est tout de même claire et le narrateur parle doucement : cela peut être un bon exercice pour les aspirants bilingues. Mais si vous ne souhaitez pas vous embêter avec cela, et désirez tout de même goûter à ce contenu, voici un exemple de vidéo traduite et arrangée pour cet article.
Une tâche aujourd'hui assez maîtrisée par les ordinateurs est le transfert de style. On prend une image comme référence du style voulu, par exemple un tableau de Vincent van Gogh. On prend une seconde image, par exemple simple photo d'une voiture. Et à l'aide d'un algorithme d'intelligence artificielle, on produit une copie de la photo, utilisant le style graphique demandé. Voyez plutôt cette illustration pour bien comprendre :
Beaucoup de styles différents peuvent être appliqués pour transformer la photo de départ. Parmi eux, il y a les motifs de bois, pour donner l'impression que la photo a été gravée dans du bois. L'article présenté dans la vidéo propose d'aller encore plus loin : le résultat final ne doit pas être une photo numérique mais une œuvre physique, en bois. Pour faire cela, le processus est le suivant :
Les étapes 1, 2 et 3 sont très simples. L'étape 5 est aujourd'hui assez facile car les machines à commandes numériques sont facilement utilisables (c'est le cas par exemple à l'Atelier !). L'étape 6 est un peu pénible car il faut la faire à la main, mais reste abordable. L'étape cruciale est la quatrième : comment sélectionner les bons morceaux de bois de la planche pour reconstituer l'image.
Cette étape doit résoudre deux problèmes majeurs :
Le problème étant divisé en deux sous-problèmes, la solution est également divisée en deux parties.
Le premier objectif est d'établir une correspondance entre le bois et l'image, de façon assez formelle pour être exploitable par un ordinateur. Concrètement, il faut pouvoir répondre avec un nombre à la question « Est-ce que cette zone du bois ressemble à cette zone de l'image ? ».
Une première approche consiste à utiliser la couleur. Si la zone de l'image est plutôt rougeâtre, on va essayer de faire correspondre une zone de la planche également rougeâtre. Si la zone de l'image est plutôt noire, on va essayer de prendre une zone de la planche également noire. Mais si la zone de l'image est plutôt bleue, ou verte, et bien, c'est compliqué. En fait, les couleurs du bois ne sont pas assez diverses pour pouvoir représenter toutes les couleurs trouvables dans des images en général.
Ainsi, les chercheurs se sont penchés vers une autre solution : considérer l'image directement en noir et blanc (de même pour la photo de la planche), et essayer de faire correspondre la texture du bois à la texture de l'image. C'est-à -dire que l'on va utiliser l'intensité générale (plutôt blanc ou noir, clair ou foncé) et les nervures (qui forment des lignes) du bois pour recréer l'image. Par exemple, pour représenter un angle dans l'image, on va chercher un bout de la planche où une nervure dessine un coude dans le bois.
On considère désormais disposer d'une méthode pour choisir un morceau de bois représentant une partie de l'image. Le problème, c'est qu'après avoir découpé ce morceau pour le poser à sa place finale, on ne peut plus l'utiliser. La ressource matérielle est finie, il faut l'utiliser avec parcimonie sinon nous allons manquer des bonnes pièces pour finir le puzzle.
Les chercheurs ont pour cela incorporé deux heuristiques (règles rusées, imparfaites mais suffisantes pour que ça fonctionne) à leur algorithme :
Voici ce que ces règles peuvent donner :
Ceci fait, chaque zone de l'image se voit attribuer un morceau de bois, petit à petit. Une fois l'ensemble terminé, un dernier algorithme vient améliorer le rendu en déformant les pièces du puzzle afin de suivre les lignes directrices de l'image originale, souvent les contours. Cela renforce beaucoup le tracé et donne l'impression de netteté au rendu.
Voilà , le plan de découpe est prêt. Il ne reste plus que la fabrication.
La planche de bois est découpée grâce à une machine à commande numérique. Les morceaux de bois sont assemblés et collés ensembles. Et voici le résultat :
Les auteurs de l'article ont également publié une gallerie de leurs créations. Les résultats sont magnifiques !
Cette chaîne propose un contenu de qualité, d'ordinaire difficilement accessible aux non-initiés. Les articles présentés sont récents et donnent un aperçu de ce qu'il se passe actuellement dans le monde de la recherche en informatique. De quoi émerveiller, intruire et provoquer la curiosité !